Depuis le 6 janvier 2025, un changement majeur bouleverse le paysage de l’assurance automobile en Côte d’Ivoire. Désormais, pour souscrire une police d’assurance auto, il est obligatoire de présenter un certificat de visite technique en cours de validité. Cette mesure, inscrite dans la stratégie nationale de sécurité routière 2021-2025, vise à améliorer la sécurité sur les routes ivoiriennes, mais elle entraîne aussi des répercussions importantes pour les assurés, les compagnies d’assurance et l’ensemble de l’écosystème lié à ce secteur.
Les causes de l’instauration de la visite technique obligatoire
La Côte d’Ivoire fait face à un défi majeur : la sécurité routière. Chaque année, le pays enregistre un nombre élevé d’accidents de la circulation, souvent liés à l’état défectueux des véhicules et à l’incivisme routier. Pour y remédier, le gouvernement a adopté la Stratégie Nationale de Sécurité Routière (SNSR) 2021-2025, qui fixe comme objectif une réduction de 50 % du nombre de décès liés aux accidents d’ici 2030.
Dans ce cadre, l’arrêté ministériel du 6 janvier 2025 impose aux automobilistes la présentation d’un certificat de visite technique valide pour pouvoir souscrire une assurance automobile. Cette visite technique, qui consiste en un contrôle rigoureux de l’état mécanique et sécuritaire du véhicule, doit être renouvelée chaque année pour les voitures particulières et tous les six mois pour les véhicules de transport public ou privé. L’objectif est clair : s’assurer que seuls des véhicules en bon état circulent sur les routes, réduisant ainsi les risques d’accidents liés à des défaillances techniques.
De plus, la durée du contrat d’assurance ne peut excéder celle du certificat de visite technique, renforçant ainsi la cohérence entre sécurité et couverture assurantielle. En cas de non-respect, les contrevenants s’exposent à une pénalité financière allant de 25 % à 30 % de la prime d’assurance.
Est-ce vraiment Impactant
Cette nouvelle obligation a des conséquences multiples. Du côté des compagnies d’assurance, la mesure entraîne une meilleure maîtrise des risques. En effet, en s’assurant que les véhicules sont régulièrement contrôlés, les assureurs peuvent réduire la fréquence et la gravité des sinistres liés à des défaillances mécaniques. Cela contribue à stabiliser les coûts et à améliorer la rentabilité du secteur.
Cependant, cette obligation entraîne également une hausse des coûts pour les assurés. En 2025, le coût moyen de l’assurance automobile par habitant est estimé à 7800 Francs CFA, avec une augmentation annuelle des primes d’environ 2 %. Cette hausse est en partie due à l’intégration des coûts liés à la visite technique et aux pénalités en cas de non-conformité, mais aussi à l’augmentation générale des coûts de réparation, notamment pour les véhicules modernes équipés de technologies complexes.
Pour les automobilistes, cette nouvelle réglementation implique une adaptation : il faut désormais prévoir le passage régulier à la visite technique, ce qui représente un coût et une démarche administrative supplémentaires. Néanmoins, cette contrainte est compensée par une amélioration de la sécurité routière, qui bénéficie à tous les usagers.
Par ailleurs, le secteur de l’assurance automobile évolue vers plus de digitalisation. Des acteurs comme Baloon Insurance Services proposent des solutions 100 % en ligne, avec souscription et paiement via mobile money, facilitant ainsi l’accès à l’assurance malgré les nouvelles exigences. Cette modernisation du secteur contribue à démocratiser l’assurance, notamment auprès des jeunes conducteurs et dans les zones urbaines.
Selon Amadou Koné, expert en assurance automobile basé à Abidjan, « la visite technique obligatoire est un levier essentiel pour améliorer la sécurité routière en Côte d’Ivoire. Elle permet aussi aux assureurs de mieux évaluer les risques, ce qui, à terme, bénéficiera à l’ensemble des assurés par une meilleure qualité de service et une tarification plus juste ».
Les mesures gouvernementales pour accompagner cette transition
La mise en place de la visite technique obligatoire s’inscrit dans une politique publique globale visant à moderniser et sécuriser le secteur des transports. Le gouvernement ivoirien a renforcé les contrôles et les sanctions pour assurer le respect de cette nouvelle règle.
Outre la visite technique, la stratégie nationale prévoit la sensibilisation des usagers de la route, la lutte contre l’indiscipline et l’incivisme, ainsi que l’utilisation de la vidéo-verbalisation et la digitalisation des procédures administratives liées aux titres de transport. Ces mesures sont coordonnées par l’Office de la Sécurité Routière (OSER) et les Comités Locaux de Sécurité Routière (CLSR), qui mobilisent les forces de l’ordre, les collectivités locales et les acteurs de la société civile.
Le gouvernement encourage aussi les compagnies d’assurance à innover, notamment en facilitant le développement d’offres digitales adaptées aux réalités économiques et sociales des populations. Des incitations sont prévues pour accompagner les assureurs dans cette transition, afin d’assurer une couverture plus large et plus efficace.
Enfin, la réglementation est soutenue par des textes fondamentaux, notamment la Constitution ivoirienne et les décisions de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances, garantissant ainsi une harmonisation régionale et une sécurité juridique pour les acteurs du secteur.
La visite technique obligatoire des voiture a-t-elle fait baisser le nombre d’accidents au premier semestre 2025
Au premier semestre 2025, la visite technique obligatoire des véhicules en Côte d’Ivoire n’a pas encore permis de faire baisser le nombre d’accidents de la circulation. En effet, selon les données officielles, 6 308 accidents corporels ont été enregistrés sur cette période, causant 959 décès et 9 466 blessés. Par ailleurs, une augmentation du nombre d’accidents a même été observée entre janvier et mars 2025, passant de 1 408 à 1 466, soit une hausse d’environ 4 %.
Cette situation s’inscrit dans un contexte où la sécurité routière reste un défi majeur en Côte d’Ivoire. Bien que la Stratégie Nationale de Sécurité Routière (SNSR) 2021-2025 ait permis une baisse significative des accidents entre 2021 et 2023 (-24 %), les résultats du premier semestre 2025 montrent que les effets de la visite technique obligatoire, entrée en vigueur en janvier 2025, ne sont pas encore pleinement visibles sur la réduction des accidents.
Cette mesure vise à améliorer la sécurité en s’assurant que les véhicules circulant sur les routes sont en bon état, mais les statistiques récentes indiquent que la majorité des accidents (90 à 95 %) restent liés à des comportements humains, tels que la vitesse excessive, l’alcool au volant ou le non-respect du code de la route. Ainsi, la visite technique, bien qu’essentielle, ne peut à elle seule réduire significativement l’accidentologie sans un changement concomitant des comportements des usagers.
Si elle engendre une hausse des coûts et impose de nouvelles contraintes aux automobilistes, elle ouvre aussi la voie à une meilleure gestion des risques, à une digitalisation accrue des services et à une amélioration globale de la sécurité sur les routes ivoiriennes. Les initiatives gouvernementales, combinées à l’innovation des acteurs privés, dessinent un avenir plus sûr et plus inclusif pour l’assurance automobile en Côte d’Ivoire.
Comme le souligne Amadou Koné, « cette réforme est un tournant : elle allie responsabilité individuelle et progrès technologique pour bâtir un système d’assurance plus robuste et protecteur, au bénéfice de tous ».