La Côte d’Ivoire vit une profonde mutation économique et sociale. Pour Guy LAWSON-BODY, Directeur Général de Wafa Assurance Vie Côte d’Ivoire, cette dynamique transforme aussi le rôle de l’assurance. Il plaide pour une approche plus inclusive, centrée sur les besoins réels des populations et alignée sur les nouvelles réalités du pays. 225assurances lui aposé quelques questions.
225assurances: La Côte d’Ivoire est un pays en pleine transformation. Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans cette dynamique actuelle ?
Guy LAWSON-BODY : Ce qui saute immédiatement aux yeux, c’est l’énergie et la dynamique ambiantes. Des infrastructures nouvelles voient le jour (échangeurs, ponts, routes) facilitant inévitablement la vie quotidienne des Ivoiriens. Un peu partout, des bâtiments sortent de terre et, la phrase prononcée par Martin Nadaud (1815-1898) maçon devenu homme politique français au 19è siècle « quand le bâtiment va, tout va» reste vraie aujourd’hui.
Cette dynamique économique forte est d’ailleurs confirmée par les indicateurs macroéconomiques :
- Le PIB de la Côte d’Ivoire représente 0,08 % de l’économie mondiale en 2024 et a atteint les 86 Md USD confortant ainsi sa place de 2ème puissance économique en Afrique de l’Ouest derrière le Nigéria (199,7 Md USD – Source Banque Mondiale)
- Le taux de croissance a été projeté à 6,3 % en 2025 par le FMI contre 6,1% en 2024
- Les deux principaux indicateurs de la BRVM30 et le BRVM Composite ont enregistré au 31/07/25 respectivement +8,71% et +12,63%
225assurances: Dans ce contexte, quels sont les principaux défis pour le secteur de l’assurance ?
G.L.B : C’est justement dans un tel environnement porteur que l’assurance prend tout son sens. Une économie qui se structure, c’est une surface assurable qui s’agrandit, que ce soit en Assurance dommages ou en Assurance vie. Cela ouvre la voie à de nombreuses opportunités.
Naturellement, cette croissance s’accompagne aussi de défis.
Notre premier défi en tant qu’Assureurs est d’adapter nos produits aux besoins émergents et aux exigences portées par les nouveaux enjeux. Il nous faut penser l’assurance autrement, oser modifier nos habitudes conservatrices, d’autant plus que l’économie informelle tout en occupant plus de 90 % de la main-d’œuvre, représente aujourd’hui une part significative du PIB estimée entre 40 % et 50 % selon différentes études. C’est dire que les défis sont de taille.
225assurances: Comment l’assurance peut-elle évoluer pour rester pertinente dans ce contexte ?
G.L.B : Nous n’avons pas d’autres choix que de repenser notre manière de faire. Nous devons bien sûr de continuer à maîtriser les risques, car notre existence même en dépend, mais aussi nous aligner sur les nouvelles réalités sociales.
Rendre l’assurance plus inclusive devient un impératif. Cela exige de l’imagination, ainsi qu’une capacité à intégrer les nouveaux risques, (cyber, climatiques, sociétaux … ), et à calibrer le bon niveau de couverture, celui qui déclenche un cercle vertueux de croissance. Aujourd’hui encore trop de produits d’assurance excluent nos populations sur des critères un peu dépassés à mon sens. Nous devons construire des offres plus ouvertes, plus utiles, plus adaptées aux réalités géographiques et économiques propres à notre écosystème, tout en respectant nos équilibres…
C’est pourquoi je crois profondément à l’avenir des produits packagés, qui combinent à la fois les prestations financières, prestations en nature, l’assistance sous toutes ses formes, pour accompagner les clients dans toutes les dimensions et étapes de leur vie.
225assurances: Derrière chaque produit d’assurance se cache une réalité sociale bien précise. Comment abordez-vous cette dimension humaine dans votre métier ?
G.L.B : On l’oublie trop souvent : tout produit d’assurance naît d’un besoin réel et concret. En amont de la conception et l’industrialisation d’une solution d’assurance, il y a des personnes, des histoires, des problèmes à résoudre. Ce n’est qu’en écoutant et observant attentivement notre écosystème et nos populations qu’on peut construire des réponses assurantielles durables.
225assurances: Pouvez-vous partager une situation marquante qui a influencé votre façon de concevoir l’assurance ?
G.L.B : Pour mémoire, ma spécialité, c’est l’assurance vie.
Je me souviens au début de ma carrière d’un de mes clients, marié et père de trois enfants qui ne jurait que par des contrats d’épargne. Quand j’ai insisté, (compte tenu de sa situation familiale) pour qu’il souscrive un contrat d’assurance en cas de décès ou d’invalidité pour protéger sa famille Il m’a répondu : « pourquoi voulez-vous que je meure ? c’est peut-être les enfants qui partiront avant moi… ? » avant de conclure « je le fais pour la forme et pour vous faire plaisir, puisque vous insistez ».On en plaisantait.
Puis, il y a eu ce terrible accident de voiture dont il a été une victime collatérale sur son trajet professionnel. C’est moi qui ai dû porter le chèque d’indemnisation de plusieurs millions à son épouse et à ses enfants que je connaissais très bien…. Ce jour-là malgré la peine, je me suis senti utile, fier, et ai pris conscience de la dimension sociale de notre rôle d’assureur vie ; j’ai compris pourquoi nous faisons ce métier. C’est ce sentiment noble d’utilité qui me guide, qu’il s’agisse d’aider à protéger sa famille, à préparer l’avenir des siens ou sa propre retraite, par exemple.
Chaque produit doit correspondre à une réalité sociale, à une situation de vie.
A un autre moment de ma carrière, pour répondre aux attentes d’une association de malvoyants en France, nous avons créé un contrat d’assurance vie entièrement rédigé en brailles. Personne ne s’intéressait à cette niche pourtant à fort potentiel financier, car il n’y avait pas de place pour une offre « standard ».
C’est un bon exemple de ce qu’on peut faire quand on écoute vraiment les besoins des prospects.
225assurances – Le site d’information N°1 de l’Assurance en Côte d’Ivoire et en Afrique – 25 octobre 2025

